[Manon Labry] RIOTGRRRLS. Chronique d'une révolution punk féministe.
Pourquoi ce bouquin
est le meilleur que j'ai pu lire depuis un bail ?
Manon Labry est
docteure en civilisation nord américaine.
Son livre raconte la
genèse de cette révolution politique et culturelle qu'a été le
mouvement des RIOT GRRRLS dans les années 80 90. A travers des
extraits de chanson, de fanzines, de considérations personnelles
passionnées, on se transporte en pleine sororité anticapitaliste et
anticonformiste au coeur des sons punks DIY de musiciennes
autodidactes qui vivent la musique comme un vecteur des idées.
Ce bouquin est une
sorte de vulgarisation de sa thèse : « Le cas de la
sous-culture punk féministe américaine : vers une redéfinition de
la relation dialectique "mainstream -underground" ? ».
Je dis vulgarisation de sa thèse mais j'ai plutôt le sentiment que
c'est ça sa thèse qui est en fait une sorte « d'académisation »
de son récit. Les RIOT GRRRLS prônaient la spontanéité, la parole
libre, le chaos du direct. C'est ça que nous transmets le bouquin,
par le ton direct et familier que Manon Labry emploie. Fallait pas
raconter l'histoire autrement.
Enfin, je dis
l'histoire. Mais c'est pas vraiment une histoire. Un instant heureux
du combat féministe. Avec ses questions, ses imperfections (Les RIOT
questionneront beaucoup les possibles de l'intersectionnalité et de
la place des militantes non-blanches) mais aussi sa puissance et
l'espoir qu'il procure. Les RIOT GRRRLS, c'est plus qu'un mouvement.
C'est un flot continu d'inspirations et d'actions de meufs d'ici et
d'ailleurs. C'est hier, aujourd'hui et demain. Ce mouvement est resté
underground, pour le meilleur, et pour ne pas risquer d'être rangé
dans un tiroir. Les initiatrices ont bien marqué leur refus des
médias mainstream, leur refus d'entrer dans dans les allées du
star-system pour y mourir, leur vlonté de rester dans une mouvance
vivante qui s'enrichissait de toutes les meufs croisées sur la
route, qui pouvaient prendre le témoin, sur scène ou ailleurs. Le
mouvement RIOT GRRRLS c'est un peu la révolte quotidienne qui
sommeille en chaque nana et la transformation d'une colère en art et
en révolte.
C'est beau et je
m'emballe.
En plus, je raconte
mal.
Mais ce livre, c'est
un manifeste qui rappelle les possibles.
C'est un bouquin qui
te donne envie d'arrêter d'écouter le vieux son de youtube et de te
bouger les miches pour pécho les albums de Bratmobile et Bikini Kill
sur des sites d'import, ce que t'as eu la flemme de faire jusque là.
Ca fait un bien fou.
« C'est le
genre de musique, dans ce dernier cas, que quand tu descends dans la
rue après l'avoir écoutée, tu fais 10 cm de plus parce que tu te
tiens droite devant l'adversité du bus qui vient de te passer devant
la gueule ; tu sais que tu as touché les mystères de Dieu de
prés, et c'est encore mieux, parce qu'à priori, ton voisin du 7e,
lui, ne sait rien ; tu sais que ta gouinitude est une
bénédiction ; tu sais que ton petit bermuda te va comme un
gant de boxe et t'as pas peur de la tâche de règles »
Le
bouquin est édité chez ZONES. Si t'as pas un rond, il est dispo en
ligne sur le site de la maison d'édition ici :
http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=202
Mais si t'as un peu des ronds, achète le livre, pour que Manon Labry
puisse en écrire des centaines comme celui-là !
« Ce qui
s'est passé, ça ressemble bien davantage à beaucoup de coeurs qui
ont battu et qui battent toujours plus vite et plus fort devant
l'immensité qui s'ouvre plus vraie que le réel, au détour d'une
amitié, de quinze amitiés, au détour d'un fanzine échangé avec
des étoiles dans les yeux. »
« Il n'y a
pas de principes de causalité ni de bornage définitionnel inhérents
au courant riot grrrl, pas de principe autre que l'élan qui fait se
mobiliser pour dépasser le principe de causalité qui a induit
TOUTES les saloperie de supériorités. »
« Il y a un
avant et un après. Un avant individuel de rage improductive et
d'accablement, un après individuel de colère espérante, heureuse
et transformative. Rien n'est plus comme avant, après. Il y a
l'assurance d'une connivence invisible et d'un mystère organique
dionysiaque d'initiées que même ton boulanger pressent. Il y a cet
après collectif, qui induit d'infimes transformations néanmoins
capitales dans cette culture populaire surcadenassée. De grandes
révolutions et un réformisme confiant en somme. C'est ça que fait
le DIY féministe tout en relevant des tête trop modestes pour
n'avoir pas été coupées avant (voire pendant), il remet toutes les
coolitudes sur le tapis et recréé le son de la rev-O-lution, la
vraie, celle qui reste patiente. »
« Souvenons-nous
quotidiennement des potentialités radicales du plaisir et de la
créativité. »
Parce
qu'il faut écouter quelques morceaux quand même avant de lire le
livre, histoire d'avoir une musique dans la tête en même temps :
Bratmobile,
SHUT YOUR FACE : https://www.youtube.com/watch?v=LkrQb19XjtY
Bikini
Kill, REBEL GIRL : https://www.youtube.com/watch?v=mZxxhxjgnC0
Excuse
17, THIS IS NOT YOUR WEDDING SONG :
https://www.youtube.com/watch?v=7wIQfNWnbS4
L7,
SHITLIST : https://www.youtube.com/watch?v=wJ3Lkq104HM
Sleater-Kinney,
MODERN GIRL : https://www.youtube.com/watch?v=qOM107PIxV8
Seven Years Bitch,
IN LUST WE TRUST :
https://www.youtube.com/watch?v=GkkEFIOu15I&index=40&list=RDQMoIzkArOr90Y
Huggy bear,
HERJAZZ :
https://www.youtube.com/watch?v=gYT0gtjd60A&list=RDQMoIzkArOr90Y&index=23
Extraits du
manifeste «provisoirement définitif » des RIOT GRRRL :
texte fondateur du mouvement riot grrrl qui a été publié dans le
deuxième numéro du fanzine Bikini Kill en 1991.
PARCE QUE nous voulons qu’il soit plus facile pour les filles de voir/entendre le travail d’autres filles afin d’élaborer des stratégies communes et de se critiquer et de s’applaudir les unes les autres.
PARCE QUE nous devons nous emparer des moyens de production pour créer nos propres râles de jouissance.
PARCE QUE considérer ce que nous faisons comme étant en lien avec la vie réelle, avec nos copines et avec la politique est essentiel pour savoir si cela a un impact, reflète, perpétue ou BOUSCULE le statu quo.
PARCE QUE nous nous rendons compte que les fantasmes de la révolution macho armée instantanée sont des mensonges irréalistes visant à endormir nos rêves au lieu de les réaliser, ET DONC que nous cherchons à créer la révolution dans nos propres vies jour après jour en imaginant et en créant des alternatives à la connerie chrétienne capitaliste ambiante.
PARCE QUE nous voulons et avons besoin d'encourager et d'être encouragées face à toutes nos insécurités, face au rocker-garçon-bedonnant-de-bière qui nous dit qu'on ne sait pas jouer de nos instruments, face aux autorités qui disent que nos groupes/fanzines sont les pires des Etats-Unis et qui attribue tout succès de notre travail à une hype de filles qui prennent le train en marche.
PARCE QU'on ne veut pas s'assimiler aux standars d'autres (garçons), qui établissent ce qu'est ou n'est pas de la « bonne » musique punk rock ou de la « bonne » littérature et que DONC on doit créer des forums où on peut recréer, détruire et définir notre propre vision.
PARCE QUE nous ne fléchirons pas devant ceux qui nous accusent d’être des “sexistes inversées” réactionnaires ET NON LES VRAIES MILITANTES PUNK ROCK JUSQU’À LA MOELLE QUE NOUS SAVONS être.
PARCE QUE nous savons que la vie c'est bien plus que la survie physique et avons pleinement conscience que l'idée punk de « tu peux tout faire » est cruciale pour la révolution rock des filles en colère qui se prépare et qui tend à sauve des vies de filles et de femmes partout, selon leurs propres termes, pas les nôtres.
PARCE QUE faire/lire/voir/entendre des trucs chouettes qui nous incluent ou qui nous remuent peut nous aider à acquérir la force et l’esprit collectif nécessaires pour comprendre à quel point le racisme, le validisme, l’âgisme, le spécisme, le classisme, le culte de la minceur et de la forme physique, le sexisme, l’antisémitisme et l’hétérosexisme régissent nos vies quotidiennes.
PARCE QUE nous considérons qu’encourager et soutenir la scène musicale féminine et les artistes filles de tout poil fait partie intégrante de ce processus.
PARCE QUE nous haïssons le capitalisme sous toutes ses formes et que notre but principal c'est de partager des informations et de rester en vie, au lieu de tirer des profits du fait d'être cool selon les standards traditionnels.
PARCE QUE nous sommes en colère contre une société qui nous dit Fille = Stupide, Fille = Mauvaise, Fille = Faible.
PARCE QUE je crois de tout mon cœur-esprit-corps que les filles constituent une force spirituelle révolutionnaire qui peut et va changer le monde pour de bon.
Revolution, Grrrl style, now !
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