Orgueil et préjugés et zombies [Seth Grahame Smith - Jane Austen]

« Alors que Mr Darcy s'éloignait, Elizabeth sentit son sang se glacer. Jamais de sa vie elle n'avait été insultée de la sorte. Le code des guerriers exigeait qu'elle vengeât son honneur. En veillant à ne pas attirer l'attention, Elizabeth baissa la main jusqu'à sa cheville, où elle trouva la dague qu'elle dissimulait sous sa robe. Elle avait l'intention de suivre cet orgueilleux Mr Darcy à l'extérieur et de lui trancher la gorge. »

Il y a quelques années, j'ai lu « Une chambre à soi ». Virginia Woolf m'a à l'époque donné envie de lire des autrices dont je n'aurais jamais ouvert un bouquin auparavant : Jane Austen, les sœurs Brontë. J'ai donc lu « Orgueil et préjugés ». Je n'ai pas du tout accroché. Mais je l'ai lu comme un monument de la littérature. L'oeuvre de Jane Austen est très importante dans la littérature classique, d'un point de vue de l'écriture mais aussi de la condition des femmes au 19e (celle des autrices mais aussi celle des personnages féminins qui y sont décrits). Ses œuvres sont donc à mettre en perspective avec l'histoire littéraire. Dans ce Roman, Jane Austen adopte un point de vue sarcastique sur son époque et les situations qu'elle décrit. Les personnages féminins semblent y être fortement caricaturés et dévalorisés pour servir le propos qui est celui de la critique de l'objectivation des femmes à cette époque. D'ailleurs l'oeuvre entière est basée sur l'exploitation des femmes par le mariage. En gros, Jane Austen y représente les femmes telles que la société les fabrique à cette époque. Bref, je ne ferai pas une critique de l'oeuvre originelle mais plutôt de celle d'une adaptation : « Orgueil et préjugés et Zombies. » de Seth Grahame Smith.

Pour résumer, l'Angleterre du début du 19e siècle est envahie par des milliers de zombies (des morts qui ont été victimes d'une étrange épidémie non expliquée dans le roman). La ville de Londres a été entourée de murs et les habitants des campagnes doivent se défendre comme ils peuvent.
Au milieu de ce décor de film d'horreur, les Bennet vivent des difficultés financières, la mère veut absolument marier ses filles, un nouvel aristocrate arrive dans la ville avec son copain pas très sympa, ils sont riches, toutes les filles en sont folles, bref, tu connais le topo.
Mais le petit plus, c'est que les filles Bennet, comme d'autres, sont entraînées aux arts meurtriers, formées par un maître Shaolin. Ca, c'est plutôt atypique quand même !

L'écriture :
Sur la couverture, le nom de Jane Austen est aussi mentionné comme autrice de l'ouvrage, simplement parce que Seth Grahame Smith a utilisé le texte original : Il en a utilisé des blocs entiers et a bricolé avec le reste pour condenser le roman. En gros, il a enlevé beaucoup de descriptions pour avancer rapidement dans le récit.
L'auteur ne fait pas preuve d'un style particulier. C'est un style hybride entre de la littérature victorienne par endroits avec laquelle se mêlent des passages très bruts et sans fioritures de combats contre des zombies. Parfois, on retrouve des dialogues originaux plaqués sur des scènes de combats sanguinolents et complètement décalés.
Je trouve que c'est dans l'incongruité de l'écriture que se situe l'intérêt du roman. Le mélange des deux univers donne un récit complètement bizarre, dont le kitch est clairement assumé. On peut d'ailleurs très souvent identifier les moments de « coupe » entre les deux styles, et étonnement ce n'est même pas dérangeant, ça fait juste partie de l'univers qui est construit sous tes yeux.

Les personnages :
Le travail de Seth Grahame Smith n'a rien apporté de particulier concernant le traitement des personnages. Les descriptions qui en sont faites ainsi que les relations entre eux sont restés telles qu'elles étaient dans le roman d'origine.

L'intrigue :
L'intrigue en elle-même est un mélange entre une histoire d'amour déjà écrite et plagiée des milliers de fois et une histoire de zombies déjà répétée des milliers de fois aussi. Mais comment dire ? Le mélange est vraiment étonnant. Les situations complètement bizarres m'ont même fait rire à plusieurs reprises.
L'intrigue de départ reste la même que dans le roman de Jane Austen : Elisabeth Bennet et Darcy se tournent autour. Sauf que là, ils le font en se battant en plus contre des zombies. L'univers de série Z donne un côté encore plus absurde à la relation qu'ils avaient déjà dans l'oeuvre d'origine : la scène de la demande en mariage par Darcy est complètement insolite si on part du principe qu'on est dans un film romantique. On se retrouve avec des scènes improbables où les sœurs Bennet font du hachis de zombies et enchaînent directement, les robes pleines de cervelle, sur le prochain bal à organiser ou sur des ragots complètement superficiels. Un bon mix très déjanté.

Je ne sais pas si Seth Grahame Smith a voulu donner envie à des gens de découvrir Jane Austen ou s'il a juste voulu réaliser un bon gros trip, mais je trouve que c'est un très bon remix. Simplement parce qu'il n'a pas cherché du tout à rendre l'intrigue plus compliquée, ni montrer qu'il pouvait faire mieux que l'oeuvre originale. On sent qu'il s'est simplement bien éclaté. Cette œuvre me fait un peu penser aux œuvre de l'OuLiPo. Tu sais, ces poètes français qui se donnaient des contraintes d'écriture plus ou moins alambiquées pour faire vivre leur créativité. Peut-être que Seth Grahame Smith a fait un pari avec ses potes un soir où il était bourré. Peu importe. Ca fonctionne bien. Et je ne peux que le conseiller parce que sincèrement j'ai vraiment passé un bon moment à lire ce lire.

J'ai aimé :

- C'est un roman qui ne se prend clairement pas sérieux. Le grotesque est assumé. Les mélange des genres marche vraiment bien. C'est de la série Z assumée.

- Les personnages féminins sont rendus plus intéressants à première vue.

- Il y a de la bagarre et du Kung Fu et il m'en faut pas bien plus pour me faire aimer une œuvre un peu kitch.

J'ai moins aimé :

Franchement rien. Si on prend l'oeuvre telle qu'elle est, il n'y a aucune critique spéciale à formuler.

Voilà c'est fini. Le verdict c'est que c'est atypique, vraiment. (le film par contre pas vraiment mais ça, c'est une autre histoire.)

Si tu veux plus d'infos là-dessus, va donc voir la super vidéo de Ginger Force (J'avoue, c'est elle qui m'a donné envie de lire le bouquin).


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