[Amos Oz] Soudain dans la forêt profonde

« La terreur s'emparait du vaillage, la nuit.
La nuit appartenait à Néhi, le démon de la montagne. Derrière les persiennes closes, les parents racontaient à mi-voix à leurs enfants que, chaque nuit, Nehi descendait de son château noir, par -delà les montagnes et les forêts, et passait entre les maisons, pareil à un mauvais esprit à l’affût du moindre signe de vie. S'il tombait sur un criquet égaré, une luciole emportée là par la bise, voire une coccinelle ou une fourmi, il déployait aussitôt son manteau crépusculaire et y enfermait la créature. Au lever du soleil, il regagnait d'un battement d'ailes son palais de cauchemar, au-delà des ultimes forêts, au faîte des montagnes, perpétuellement noyé dans les nuages. »

Je ne sais quel hasard m'a porté sur ce livre. Je sais seulement que ça a été un heureux hasard.
Il raconte l'histoire d'un village, morose, perdu au milieu de nulle part, qui a été déserté par tous les animaux. Ses habitant-es mènent un quotidien envahi par la crainte d'un personnage chimérique qui vivrait dans la forêt voisine, qui se serait emparé de toute vie animale et qui, depuis, viendrait toutes les nuits hanter les rues. On raconte aux enfants des histoires effrayantes pour les empêcher de sortir le soir et de pénétrer dans la forêt. Mais un jour, deux enfants, Maya et Matti, vont vouloir percer le mystère de cette forêt interdite.

L'écriture :
Je crois que c'est l'écriture qui m'a transportée avant tout. La narration est une sorte de prose poétique envoûtante. On sent que l'auteur a pris soin de choisir ses mots, notamment quand il évoque la nature, l'animalité, l'aspect sauvage et onirique de la forêt.
Les chapitres sont très courts. On navigue entre les perceptions des différents personnages. Ça donne un peu l'impression d'ouvrir les yeux sur la pluralité de la réalité.
Les mots sont beaux. C'est un peu simple dit comme ça, mais je ne vois comment le dire autrement.

L'intrigue :
L'ambiance est assez particulière. L'auteur joue pas mal sur le mystère dans la première partie. Tu es facilement dans l'ambiance. Tu sens qu'il y a des non dits. Et tu te plais à suivre les deux enfants quand ils se décident à aller dans la forêt. Je ne sais pas si tu as vu le film « Le village », mais en lisant j'avais complètement les images du film qui se projetaient dans ma tête.
Je crois que ce bouquin, c'est avant tout un conte. Un conte en hommage à la nature (avec parfois un peu d'angélisme). Un conte qui nous parle de l'humanité et de ce qu'elle implique quand il y a occupation d'un territoire par des humains (ce qui n'est sûrement pas un hasard quand on sait qu'Amos Oz est un auteur israélien qui milite contre la politique colonisatrice d'Israël et pour la création d'un Etat palestinien).

Les personnages :
Le récit ne s'attarde par vraiment sur les personnages et leur psychologie. Je crois qu'au fond, les personnages sont plutôt des entité plus vaporeuses : la forêt et le village. Mais c'est très bien comme ça. Pas besoin d'en savoir plus sur les humains qui gravitent au milieu de ça.

Pour résumer, c'est un beau livre, très poétique avec une morale vachement émouvante. Il est très atypique par son écriture.
Je te conseille de le lire, en plus il se lit assez rapidement.




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